CULTURE

 

Gonzalès est mort, vive Gonzalès
La star de la scène électronique tire sa révérence
et livre son quatrième album « Z » en guise de consolation.

Ce soir, sur les planches de l’Elysée Montmartre, le personnage Gonzalès va s’évaporer… comme une chimère. Mais qui se cache derrière le chanteur-performer, chantre de l’underground électronique?


Gonzalès en concert à la Cigale en octobre 2002.
(photo: D.R.)

Jason Beck, alias Chilly Gonzalès est insaissable. Il ressemble à Janus. Deux noms : un patronyme et un pseudo. Une origine duale: hongroise et algérienne. Et une double nationalité : canadien de souche mais berlinois d’adoption. Lorsqu’il fait de la musique, Gonzalès se dédouble également. Il rappe ou joue du piano sur fond de beats électroniques.
Equilibriste, l’homme est un adepte du mélange des genres. Musique électronique, hip hop, jazz, pop et house se confondent pour former une explosive alchimie. « Pour moi faire des arrangements c’est vraiment faire un travail avec l’humour et avec une manière scientifique, explique l’artiste dans un entretien au magazine Prun’ en octobre 2002. Je n’ai pas vraiment un style consistant, parce qu’ils sont vraiment tous égaux pour moi.» Une recette qu’il a concocté en 1998 dans un modique studio canadien et mis en boîte deux ans plus tard dans son premier album intitulé « Gonzales Uber Alles ». « La musique était terminée, c’était fini pour moi : j’étais un maître en musique, et c’est pourquoi j’ai décidé de devenir Chilly Gonzales », confie Jason Beck.

Une fois la mélodie composée, le démiurge s’est attelé à la création de son personnage. Convaincu que l’électro était vouée à devenir une mélodie de salon, l’artiste a souhaité incarner sa musique. Selon lui, le jeu scénique est un instrument au même titre qu’un piano. C’est ainsi que le personnage Gonzalès est né. Inspiré des illusionnistes comme Eric Von Stroheim ou Andy Kaufman, le chanteur se plaît à dérouter son public.
Sur scène, il revêt tour à tour un costume rose bonbon, une robe de chambre de parfait dandy, une chemise déboutonnée sur son torse velu ou une tenue de safari, avec jumelle et casque colonial.
Autant de caricatures brouillées pour une performance qui tient davantage du spectacle que du concert : « J'ai besoin de jouer différents personnages, de mélanger l'artificiel et le naturel, le rap et le piano, l'agressif grande gueule et le clown triste. Tout le monde a ces deux côtés en lui. J'essaie de créer une illusion qui réunisse les contradictions de l'être humain », révèle l’artiste.
Skizophrène, équivoque et imprévisible. Les adjectifs manquent pour définir cet étrange personnage qui échappe à toutes les étiquettes. Mais avec trois albums à son actif, une cohorte de fans, et des journalistes avides de ses prestations, la magie de Gonzalès n’était-elle pas en train de s’éroder ? Une hypothèse qui expliquerait l’adieu théâtral du chanteur, ce soir, dans la salle parisienne. Le clown mélomane veut tourner la page. Et souhaite se remettre à la musique classique.
En attendant, son public de l’Elysée Montmartre ne repartira pas les mains vides. Gonzalès leur a préparé un dernier album nommé « Z ». Un ultime clin d’œil avant la tombée de rideau. Mais si Jason Beck a décidé d’en finir avec sa créature ubuesque comme David Bowie l’avait fait en son temps avec Ziggy Stardust, on ne s’étonnerait pas de le voir revenir. Sous un autre nom, sous un autre masque, évidemment.

Sarah-Lou Cohen-Bacri

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