CULTURE

Le musée national de Bagdad
protégé par des chars américains
REUTERS Gleb Garanich

Quel avenir
pour le patrimoine irakien ?

Les pillages, à la fin de la guerre, n’ont pas épargné les antiquités irakiennes. Les grands musées du monde entier, associés à l’Unesco, se mobilisent. Les Etats-Unis, pressés de réagir, ont annoncé l’octroi de deux millions de dollars d’aides.

À Bagdad un homme court dans les rues portant sur son dos un gigantesque vase en céramique bleu aux ornements dorés. Les téléspectateurs du monde entier ont assisté à de telles scènes. « Libérés », certains des habitants de la capitale ont systématiquement pillé les bâtiments symboles du régime passé. Ces vols n’ont pas épargné les musées de la capitale, au premier rang desquels le musée archéologique de Bagdad renfermant une collection d’antiquités vieilles de 500 000 ans. Un saccage qui, d’après les témoignages et les enquêtes en cours, ne serait pas le seul fait de simples pilleurs. C’est ce dont a témoigné hier Donny George, archéologue irakien, lors d’une conférence organisée par le British Museum et l’Unesco. «Certains sont venus pour trouver des objets (d'art) qu'ils avaient en tête. Il y avait dans le musée des faux. Ils ne les ont pas touchés», a-t-il affirmé. Et la polémique enfle, car l’armée américaine, présente sur place, n’aurait rien fait pour empêcher ce saccage prévisible. «Un de nos employés est allé voir un char américain qui se tenait non loin du musée et l'a supplié de se placer devant. Les militaires lui ont dit qu'ils n'avaient pas reçu d'ordre. Bouger leur char de 50 mètres aurait sauvé un patrimoine de l'Humanité», a-t-il dénoncé. Deux conseillers culturels du président George W. Bush ont d’ailleurs démissionné de leurs fonctions pour protester contre l'inaction des forces américaines.

Tour de garde dans le musée national de Bagdad
Reuters/ Ruben Sprich

Une inaction que les principaux conservateurs des musées mondiaux, présents à la réunion, espèrent ne pas voir se reproduire. Ils ont appelé au renforcement des contrôles aux frontières de l'Irak pour empêcher l' «hémorragie» d'oeuvres d'art. En effet, trois semaines après le pillage du musée de Bagdad, les objets continuent à sortir du pays. «Le contrôle des Américains à la frontière est proche de zéro», a déclaré Donny George. «N'importe qui peut prendre n'importe quoi et sortir». Les autorités américaines ont donc été pressées de réagir. Une première avancée a eu lieu hier soir, sous la forme d’une enveloppe de deux millions de dollars destinée à aider, protéger et restaurer les musées et sites historiques irakiens. Cette somme viendra s’ajouter au fonds spécial déjà mis en place par l’Unesco.

Restaurer, c’est une chose. Mais certains de ces fonds iront également à la recherche des objets pillés. Le plan de sauvetage consistera aussi à tenter de retrouver les pièces volées. L'organisation de coopération policière internationale, qui regroupe 181 pays, Interpol, a créé une cellule spéciale sur cette question. Le Conseil international des musées a l’intention de mettre au point une «liste rouge des antiquités irakiennes en péril». Certains Bagdadis ont déjà restitué leur butin au musée. Aujourd’hui le directeur général de l’Unesco, Koichiro Matsuura, rencontre Kofi Annan, secrétaire général des Nations-Unies. Cette solidarité internationale vise, au final, à obtenir le vote d’une résolution de l’ONU qui interdirait l'importation et le commerce illicite d'oeuvres d'art venues d'Irak. Pour préserver ce qui n’est pas simplement des « pierres », mais avant tout « la ressource culturelle et le fondement de l'identité du peuple irakien », selon les mots de Mounir Bouchenaki, directeur adjoint de l'Unesco.

Plus loin en ligne :
- site américain répertoriant les oeuvres disparues en Irak
- site de l'université de Chicago sur les trésors perdus de l'Irak
- site consacré au musée archéologique de Bagdad

Christelle Bittner
30/04/2003 12h 45

retour