CULTURE


Souad Massi chante les blessures de l’Algérie

Après sa tournée dans l’Hexagone, la chanteuse se produit ce soir à l’Olympia.
Portrait d’une artiste engagée.

« Ca a commencé par la poésie» se souvient Souad Massi en évoquant son enfance. Et pourtant, la chanteuse, née le 23 août 1972 à Alger a grandi dans l'Algérie du GIA. Mais pas question pour Souad d'étouffer sa hargne. Son cri s'est mué en mélodie. Sa révolte en chanson. "Si on ne fait pas des choses comme ça, cela voudrait dire que les terroristes gagnent. Que tous les intellectuels qu'ils ont tués sont morts pour rien ", revendique t-elle. Chanter devient pour l’artiste algérienne un formidable moyen de lutter contre l'oppression qui règne dans son pays.


Photo: D.R.

Avant de devenir une arme, la musique est une affaire de famille dans la maisonnée des Massi. Son frère aîné est compositeur, son frère cadet fait du New-Jack et sa petite sœur danse. Petite déjà, Souad est convaicue qu'elle deviendra chanteuse. Après des études de musique classique arabo-andalouse, de solfège et de musique classique universelle, Souad Massi compose ses premières chansons. La jeune prodige n'a pas encore atteint la majorité quand elle arpente, seule avec sa guitare, les scènes de spectacles. Après une expérience râtée avec un groupe de de flamenco, "Les Trianas d'Alger", la chanteuse reprend les rênes de sa carrière. Et cette fois-ci, les honneurs ne tardent pas. Epaulée par son groupe "Atakor", l'Algérie résonne de son folk rock. Seulement voilà le hic: elle est trop populaire, trop libre, trop engagée et "on" essaye de la faire taire.

Des embûches qui n'effraient pas la chanteuse. "Je ne peux pas être indifférente à ce qui se passe autour de moi ! ", déclame t-elle. Téméraire. Pour Souad la réponse est évidente : elle continue de plus belle. Mais sa ténacité a des limites. Pressions, menaces se multiplient. Souad cède. Son diplôme d’ingénieur sous le bras, elle s’engage dans un cabinet d’urbaniste. La peur au ventre, l’âme amère. C’est alors que Souad est invitée à participer au festival Femmes d'Algérie, organisé à Paris au Cabaret Sauvage. Le 10 janvier 1999, l’artiste met les pieds en France. Le public parisien découvre ébahi Souad Massi. Repérée par le directeur artistique d'Island, la chanteuse s’attèle à la composition de son premier opus. Son album « Raoui » est à son image. Doucereux et mélancolique, il entremêle des rythmes folk, chaâbi et rock. Des paroles en arabe et des morceaux proche du folk-rock. Elle multiplie les " premières parties " prestigieuses : Orchestre National de Barbès, Thierry Titi Robin , Geoffrey Oreyma… et, surtout, Idir, dont elle assure même l'ouverture d'un concert à l'Olympia le 13 décembre 1999. Aujourd’hui, elle entame une tournée dans toute la France. Et cette fois-ci, c’est elle qui tient le haut de l’affiche. Ce soir, elle enchantera l’Olympia avec les mélodies de son nouvel album « Deb ». La France l’a donc adoptée. Mais Souad n’oublie pas l’Algérie. Sa patrie est toujours au cœur de sa musique et de sa vie. Par-delà la Méditerranée, son combat continue. Souad rêve de chanter, un jour, sur la paix dans son pays « J' espère que tout ce qui se passe en Algérie va s'arrêter, confie t-elle. J'espère qu'on va pouvoir passer à autre chose, construire, rêver, faire plein de choses intéressantes. »

Sarah-Lou Cohen-Bacri

30/04/03 12h35

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